Olivier SCHWOB :
Le métier d’ingénieur du son au cinéma
Jeudi 1 février 2018
Quand un comédien joue bien, il ne joue bien qu’une seule fois !
Olivier Schwob
Ce jeudi 25 février 2018, TRAVELLING a accueilli au sein de ses murs l’ingénieur du son Olivier Schwob. C’est muni d’un bagage de 40 ans dans le domaine du son dans l’audiovisuel qu’il est venu nous présenter son métier et son expérience. Une expérience d’abord enrichie par le documentaire puis par la fiction, depuis 7-8 ans, et notamment avec des séries comme ‘Candice Renoir‘.
Ayant débuté sa carrière dans le documentaire, c’est autour de ce genre cinématographique que débute la rencontre. Olivier Schwob a participé à la réalisation de nombreux documentaires, il a vu évoluer le genre au cinéma ainsi que son financement et sa production : ces dernières années, les films documentaires souffrent un peu car moins libres dans leur réalisation, nécessitant de créer un dossier concret, ce qui n’était pas le cas avant.
Mais malgré cela, le documentaire reste pour lui le plus formateur en matière de prise de son : contrairement à la fiction, on ne recommence pas une prise dans un docu, il faut savoir être prêt au bon moment, savoir regarder tout autant qu’écouter. C’est une qualité non négligeable qui se retrouve très utile dans la fiction aussi, le son sert l’importance dans une scène. « Quand un comédien joue bien, il ne joue bien qu’une seule fois. »
En post-production, dans le documentaire, contrairement à la fiction, les montages image et son vont plus loin en commun : il y a une tendance à mélanger le montage image et son. Beaucoup de montage sont dits ‘directs’ : on joue avec des sons de différentes prises au lieux de créer un doublage en post-production.
Une autre chose que l’on apprend vite en documentaire et que l’on oublie trop souvent dans la fiction c’est que « les gens ne parlent pas qu’avec leur bouches » ; l’expression sonore ne se traduit pas qu’à la seule qualité de la voix. Mais le fait est que le travail du son est bien trop souvent lié à celui de la voix, ce qui est dommage. Le documentaire laisse plus de temps pour aller chercher dans l’essence profonde du son ; la série, elle, n’a pas le temps, il faut aller au plus vite.
Un dernier aspect formateur du documentaire dans la prise de son, c’est de savoir trouver dans l’instant une cohérence entre le mouvement de caméra et le son. Sur ce point, Olivier Schwob reste intransigeant, il ne faut jamais être indépendant de l’image ni indépendant du son. Que ce soit dans la fiction ou le documentaire, il faut trouver un dispositif sur lequel s’entendre. Olivier Schwob ajoute que c’est souvent un réalisateur qui fait le son avant tout et illustre son propos en parlant de Robert Kramer, pour qui il a travaillé dans le documentaire »Route One / USA ». Dans son »génie », Robert Kramer est un réalisateur qui »emmène ».
Si une école d’audiovisuel sert à mettre le pied à l’étrier et à se créer nombre de contacts, le meilleur apprentissage reste celui du terrain : il faut « tourner, tourner, tourner, tourner ! ». Rien ne sert de connaître tout le matériel cinématographique existant si l’on n’a jamais tourné avec. C’est bien simple, si l’on veut faire du cinéma ou de la télé, il s’agit d’abord de tourner. Tourner oui, mais pas seul. Il faut aussi « apprendre à danser », apprendre à bouger ensemble, avec une équipe, à faire des plans ensembles.
Même si, en France, on se retrouve un peu trop facilement catalogué, Olivier Schwob connaît beaucoup de gens qui ont fait beaucoup de documentaires dans un premier temps et qui ont ensuite percé dans la fiction mais pas l’inverse. Le changement est plus efficace et bénéfique dans un sens que dans l’autre. Tandis que dans la fiction, on se donne tous les droits pour faire un cadre précis, en documentaire il est nécessaire de s’adapter à l’environnement : le problème devient alors de savoir où sont les limites de ce que l’on accepte et de ce que l’on aime. Pour illustrer ses propos, Olivier Schwob décrit une séquence tournée récemment dans un café pour un documentaire : la dite séquence a été filmée en pleine période de rush hour, il était impossible de penser à éteindre la hotte de la cuisine et l’équipe son a dû faire avec. Le son en fiction est beaucoup plus aidé, malléable qu’en documentaire, mais cela ne veut pas non plus dire qu’il est impossible d’intervenir dans un documentaire : dans cette même séquence au restaurant, l’équipe de réalisation a quand même réussi à faire couper la musique d’ambiance pour capter au mieux les conversations.
En fiction, la plupart du temps, les figurants font semblant de parler. Un exercice intéressant pour se faire une idée du travail de doublage en post-production d’une fiction consiste à regarder la fiction en version originale, puis dans une autre langue et de trouver les sons gardés entre les deux versions. Les sons gardés sont en fait les sons rajoutés lors de la post-production.
Dans l’idée de se spécialiser, préférant gérer parfaitement un domaine que de toucher à tous, Olivier Schwob a décidé de se consacrer au son de tournage, et de ce fait au son direct. Il y est d’ailleurs très intéressant de mélanger le son de perche et de micros h-f. Certains ingénieurs font tout. Lui fournit quand même un mixage qui, même s’il n’est pas parfait niveau raccords, donne des indications quant à ses choix. L’arrivée des micros h-f avec »Route One » dans l’univers du cinéma a été d’une grande avancée pour la prise de son : Avant, on pouvait être amené jusqu’à escalader avec la perche pour ne pas louper un son. Cela a été le cas pour Olivier lors d’un tournage, pour filmer un escaladeur. Pour montrer l’évolution technique que permet les micros h-f, Olivier Schwob nous montre une séquence coupée dans le documentaire »Racines » (2003, Richard Copans) riche en émotions où l’on voit une vieille femme parler et chantonner, tremblotante, en écoutant de la musique. C’était un plan que l’équipe documentaire savait ne pas pouvoir retourner, d’une qualité rare par les émotions qu’il véhicule. Un micro h-f y a été utilisé pour enregistrer la musique et la coupler par dessus. Mais le micro h-f reste à utiliser avec précaution, en prenant garde aux différents mouvements textiles et autres potentiellement nuisibles.
En fonction des réalisateurs, la question de l’enregistrement et du traitement du son n’aboutit pas au mêmes choix. L’ingénieur du son doit alors se mettre d’accord sur ce qu’on doit faire sur un dispositif. Dans »Bronx-Barbès » (2000, Eliane de Latour), filmé à Aibdjan avec des gens du Ghetto local et non des comédiens, la réalisatrice voulait qu’ils jouent en direct. Il fallait alors gérer les rapports musiques, chants, bruits de fond, paroles. De ce film, les scènes sont purement fictives, écrites mais sont tournées d’une manière plus documentaire. Il fallait alors être sensible au moment, un réel travail s’effectuant avec le comédien, ne pas couper au moment où ça se passe.
»Quand on arrive dans un endroit, le premier truc, c’est d’écouter. » Olivier Schwob profite de cette anecdote pour conseiller vivement de toujours regarder l’action en même temps que l’on enregistre, de savoir prévoir ce qui va se passer. Car l’inconvénient avec la vision sur moniteur, sur écran, c’est le temps de retard. Un »œil direct » sera bien plus rapide et efficace. Un geste qu’Olivier Schwob a vite compris et assimilé grâce au documentaire : le cerveau entend et commande directement la main pour diriger le micro. C’est pour cela qu’il demande généralement au perchiste de ne pas mettre de casque. Mais tout dépend de l’alchimie qui existe en l’ingé son et le perchiste : certains ingés son demandent le port du casque obligatoire. »Faire du bon son, c’est pas tout seul ! » Il est souvent compliqué de parler du son. Celui-ci se retrouve bien souvent défini par des images. Et il arrive parfois, en fonction du réalisateur, que l’on ne puisse parler à et diriger un acteur. »Un bon ingénieur du son, c’est ça, c’est savoir jongler avec les limites. »
Olivier Schwob enchaîne en parlant du travail de post-production avec l’exemple du documentaire animalier où beaucoup de sons seuls y sont travaillés. Parfois l’image et le son ne sont pas pris au même moment, par exemple pour les plans de drones, ceux-ci étant bien trop bruyants. D’autres fois aussi pour enregistrer un ver de terre par exemple, l’image et le son ne sont pas forcément synchrones. C’est ainsi que se termine la rencontre avec Olivier Schwob, ingénieur son de plus de 40 ans d’expérience.
»En une journée, on passe d’un univers à un autre. C’est magique. »
Texte de Alexandre de Las Bayonas